Rencontre avec trois “ressortissants de la joie” sur un trottoir de Bruxelles. Une belle leçon de non-jugement et d’ouverture sur la richesse des parcours humains.

De passage à Bruxelles en route pour le Danemark, je rends visite à un ami dans un quartier à l’est de la capitale. Je gare mon bus devant l’une des nombreuses maisons de la rue. Un monsieur distingué est en train de relever le courrier dans sa boîte aux lettres. Je l’interpelle poliment pour lui demander si je suis bien autorisée à rester sur cette place. Il me répond très gentiment par l’affirmative. Nous échangeons quelques secondes et, intrigué par les dessins sur mon bus, je lui explique le concept de Joy for the Planet.

Quelques heures plus tard, je retourne à mon van pour y prendre quelque chose. Et vient à ma rencontre un autre monsieur, bien jovial, accompagné d’une jeune fille. Ils sortent de la même maison que le premier. « Bonjour, nous avons vu par la fenêtre votre bus et mon mari m’a expliqué votre projet ! C’est fantastique ! Cela me fait tellement plaisir de vous rencontrer que j’aimerais vous offrir ce petit pot de fruits confits portugais pour vous souhaiter la bienvenue». Au même instant, mon ami Xavier et son fils arrivent à son tour. Alors j’invite tout ce petit monde à bord de Begoodee pour leur partager le sens de ma démarche.

La joie, dénominateur commun à tous les êtres vivants

Je leur explique que je suis une « traqueuse de joie ». Je guette, j’encercle puis je capte cette énergie si puissante qui circule et s’exprime au-delà des formes, des apparences, des conventions ou des dogmes. Elle est comme le vent qui passe de la même manière à travers les feuillages du hêtre ou du mélèze, du cerisier japonais ou du palmier, sans faire de différence. Elle est comme le soleil qui arrose indistinctement de ses rayons le bûcheron et l’homme d’affaires, le Juif et le Zoroastre ou l’agnostique. Elle embrasse tous les genres, les sexes, les identités et les histoires de chacun. C’est un état intérieur qui appartient à toute l’humanité, une émotion profonde capable de rassembler tous ceux qui la laisse se déployer en eux. Mis en confiance par mes propos, Luis prend la parole et me raconte la belle histoire de sa famille.

De Chicago à Bruxelles

« Cela fait 21 ans que je vis en couple avec Jarl. Nous nous sommes mariés en 2011. Nous voulions être parents, grandir avec cette expérience. Et nous avons adopté Georgina en 2005 quand elle avait deux mois. Ce n’est pas un acte de charité. Nous voulions simplement donner et recevoir. Vivre une aventure mutuelle, grandir en aidant quelqu’un d’autre à se déployer. Avant l’arrivée de notre fille dans ma vie, j’étais carriériste, ambitieux et j’aspirais au prestige du pouvoir et de l’argent. Cela répondait sans doute à mes besoins de reconnaissance personnels. Je suis un enfant de réfugiés de guerre. Je ressentais un besoin de m’affirmer selon des critères mondains. Avec Georgina dans ma vie, j’ai revu toutes mes priorités. Ce besoin de reconnaissance a complètement disparu. Elle m’a permis de m’aligner avec ce que je voulais pour moi au plus intime de moi-même, avec mes amis, mon mari et mes valeurs. Je suis tellement plus heureux aujourd’hui. J’ai changé ma manière de voir le monde. Georgina est une grande joie pour nous », raconte Luis Amorim, d’origine portugaise et angolaise. Hommage à la diversité culturelle Aucun service d’adoption en Belgique ne pouvait nous aider car ils travaillaient avec des partenaires internationaux d’obédience religieuse en désaccord avec notre situation de couple homosexuel. Nous avons du trouver une agence par nous-mêmes et c’est aux Etats-Unis que toutes les conditions se sont réunies. Lorsqu’on nous a présenté le dossier de Georgina, nous n’avons pas hésité un seul instant », poursuit Luis.

La liberté de choisir

« Depuis le début, nous avons construit un cadre autour de notre fille qui exprime la diversité culturelle humaine afin qu’elle ne s’identifie pas à une seule identité ou forme de pensée. Nous lui montrons tout ce qui existe pour qu’elle puisse faire ses choix librement, basés sur des valeurs de bonté et d’intelligence par le bon sens. La jeunesse actuelle cherche parfois ses repères dans l’argent, la célébrité, les marques, le modèle de téléphone portable, les notes, la compétitivité et la comparaison. Nous lui expliquons que la réussite passe par la bonté et la compassion », poursuit Luis. Luis et Jarl sont attentifs à ce que le monde de leur fille ne se limite pas à eux uniquement et ils l’entourent de femmes dont les grands-mères adoptives de la fillette et beaucoup d’amies. « Nous sommes des hommes très féministes » commente Luis en riant ! Nous soutenons l’énergie féminine, son droit à l’égalité, le démantèlement de toutes les structures qui oppriment les femmes dans le monde. »

Et que pense Georgina de sa famille ? « Pour commencer, j’adore ma famille. J’ai deux pères, un est suédois et l’autre est portugais. Ils m’ont appris à apprécier ce que j’ai et à être heureuse et c’est ce que j’ai l’intention de faire. La chose la plus importante pour moi c’est d’être heureuse, d’être drôle aussi et de faire les autres sourire quand ils éprouvent des difficultés. La famille, et les amis, sont les choses les plus importantes pour moi», confie la jeune fille, radieuse.

Luis Amorim, 47 ans, est chef de l’Unité de traduction espagnole auprès du Conseil de l’Union européenne. Jarl Mattsson, 55 ans, est en congé parental. Il est juriste-linguiste auprès du Conseil de l’Union européenne lui aussi.

Parce que j’ai ressenti la joie de cette fillette (âgée de 13 ans) entourée de ces deux parents aussi atypiques qu’aimants, parce que j’ai vu le bonheur de Luis et Jarl à prendre soin d’elle dans un amour total, au-delà des jugements, des peurs, du regard des autres et du conformisme, j’ai offert une lampe solaire à ce trio extrêmement touchant.

Cette histoire illustre admirablement la chanson « Chic Planète, dansons dessus… » du groupe « L’affaire Luis Trio » . Pour danser sur la planète de Luis et Jarl, il n’y a, au fond, qu’à changer de titre en « L’affaire du trio de Luis » !

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