Charles venait de recevoir le modeste trophée de Joy for the Planet, une petite lampe solaire dans un pot de confiture recyclé que j’avais fabriquée quelques jours plus tôt avec des enfants.

C’est avec tristesse que je viens d’apprendre la mort accidentelle de l’une des plus belles lumières rencontrées sur la route de Joy for the Planet (une traversée européenne d’un an en camping-car (2018) pour partager ce qu’il y a de plus haut et inspirant chez l’humain, sous forme de reportages et de vidéos). Charles-Edouard Oksenhendler était l’incarnation de la noblesse, descendue dans la matière. Ce jeune homme dynamique et visionnaire, cet entrepreneur passionné et courageux, nous a quittés hier, victime d’un terrible accident de la route.

Je partage ici avec vous, en primeur et en hommage à ce jeune homme extraordinaire, le paragraphe que je lui ai consacré dans mon livre qui sortira à la fin de l’année. Je venais de lui soumettre ce texte pour lui demander sa relecture et en recevoir la validation pour le publier. Il avait répondu à mon email par ces mots, le 7 mai dernier: “(…)Ton article m’a beaucoup touché et j’en suis complètement honoré.
Pour les dernières nouvelles, j’ai la chance de faire partie des 15 fondateurs historique de la villa Shamengo qui s’installe à Bordeaux, atelier de curiosité entre innovation lowtech et high-tech sur l’ensemble du champ des possibles que nous devrions tous adopter…(…)”

Extrait
“(…) Grâce à François Maurisse, j’ai été présentée à un nouveau “Joyeux”, Charles-Edouard Oksenhendler, un jeune surdoué de l’agriculture maraîchère produite « en conscience ». Cet ancien informaticien a créé l’association La Ferme de la Glutamine. Son objectif est simple : redorer le métier d’agriculteur en formant de jeunes maraîchers en 36 mois sur un terrain qui appartient à la famille et que j’ai eu la chance de visiter. Cette association pour “une agriculture durable, vivrière et radieuse” propose du coworking agricole afin d’aider les maraîchers à pérenniser leurs nouvelles exploitations. « Se lancer dans cette culture aujourd’hui est extrêmement difficile, m’explique Charles-Edouard Oksenhendler.  Il y a une centaine de maraîchers par mois en Nouvelle-Aquitaine qui essaient de s’installer. Et malheureusement, il n’y en a que deux qui arrivent à être financés par le secteur bancaire. »

C’est pour cela que Charles a décidé d’accompagner ceux qui veulent se lancer dans l’aventure : « La Glutamine, c’est une association qui permet d’équiper les maraîchers d’un toit, d’un outil de travail, d’une éolienne, d’un vélo-tracteur ou autre. L’objectif est de les aider jusqu’à ce qu’ils puissent obtenir les financements adéquats. On permet à ces jeunes agriculteurs de présenter deux à trois chiffres d’affaires sous la forme de bilan, au secteur bancaire, et donc de devenir « bankable » aux yeux du système bancaire traditionnel », me raconte le lumineux jeune homme, tout en continuant la visite de cette parcelle de sept hectares, à la sortie de Tresses, près de Bordeaux. Un corps de ferme et surtout plusieurs parcelles de 4.000 m² pour faire du maraîchage sont en pleine construction. L’association va donc développer toute une structure agricole avec notamment des formations gratuites à la permaculture, l’agro-écologie, l’apiculture ou la nutrition. Le dynamique entrepreneur me propose de passer la nuit dans une « Tinyhouse », l’une des petites habitations vivables mobiles utilisées par les maraîchers et leur famille .

J’apprends aussi que l’association ne se contente pas seulement d’accompagner les maraîchers; son objectif est aussi de promouvoir une agriculture alternative, plus écologique et respectueuse de l’environnement. La Ferme de la Glutamine souhaite être un laboratoire des nouvelles pratiques agricoles. « Par exemple, nous développons un potager permettant de cultiver 150 salades sur 1m² au sol. Le principe est simple : il faut les effeuiller. De cette manière, on peut facilement nourrir une famille pendant un an puisque les salades continuent de grandir sans qu’on ne les coupe jamais. Les plantes sont arrosées par un système de cascade . Quand on arrose la planche du haut, elle hydrate, par capillarité, toutes les planches du dessous » continue Charles-Edouard.

Guérison par la joie

Je suis impressionnée par autant de savoirs, d’idées innovantes et visionnaires dans la tête de ce jeune homme incroyablement dynamique. Pour l’enregistrement de mon interview, il me reçoit au calme dans la “Tinyhouse” où il vit avec sa compagne.  Charles aime s’entourer de beauté et de simplicité. Pour créer une petite ambiance solennelle, il allume une trentaine de bougies posées dans des photophores de verre, soudés sur un immense lustre qui occupe presque la moitié de l’espace. Leur scintillement féérique nous invite aux confidences et à l’authenticité. Je demande à Charles s’il peut raconter l’une de ses plus grandes joies. Sa réponse m’a profondément émue…

Comme beaucoup d’enfants à haut potentiel, il s’est toujours senti en rupture avec le système économique et social actuel qui prévaut en Occident et qui voue un culte aveugle au matérialisme outrancier, à l’individualisme et au pillage de la planète. Cette solitude et son désespoir l’ont conduit à commettre plusieurs tentatives de suicide avant d’être hospitalisé dans un établissement psychiatrique. « Je savais que je n’étais pas déséquilibré ni fou. Je portais simplement en moi d’autres valeurs, beaucoup plus solidaires et humanistes, me confie-t-il. Et puis un jour, le miracle a eu lieu. « J’étais prostré dans un état de tristesse infinie, à moitié sanglé sur un lit d’hôpital.  Tout à coup, j’ai entendu au loin des rires d’enfants. C’était une minute prodigieuse. Cette joie que j’ai perçue a été comme un révélateur. En quelques minutes, tout s’était éclairci en moi et je me suis senti libéré et plein de gratitude. Tous mes projets de vie me sont apparus d’un coup. J’ai aussitôt quitté l’hôpital serein et confiant. Avec la réalisation de tous ces projets porteurs de sens et plein d’espérance, je m’étais enfin trouvé. On peut même dire que je suis un homme heureux aujourd’hui et que le succès et la joie m’accompagnent à chaque instant» me confie-t-il, le yeux humides. Chers lecteurs, chères lectrices, ne nous gênons jamais de rire fort, de laisser éclater ouvertement notre joie. Car peut-être que, derrière une porte ou une fenêtre, quelqu’un qui pourrait en avoir besoin entendra nos rires comme Charles-Edouard que les enfants dans un préau d’école ont fait renaître. N’est-ce pas une merveilleuse raison de plus pour sourire à la vie ?”

Puisses-tu porter ta lumière encore plus loin, beaucoup plus loin, cher Charles-Edouard… Merci d’avoir croisé ma route et celle de Joy for the Planet. Prions pour que tes projets puissent continuer à vivre et à se déployer magistralement. Tu étais notre 14ème “Nominé de la Joie” (photo).

Je présente toutes mes condoléances à ta compagne et à ta famille.

Je vous invite à aller visiter le site FB de la Ferme de la Glutamine avec de nombreux projets. Notamment, un projet de financement participatif pour créer un sanctuaire pour les abeilles. Plus que jamais, il est important de soutenir la relève afin que tous les projets de Charles puissent survivre à sa mort.

 

PS: 22 octobre 2019. Je viens de recevoir la confirmation que le projet de Charles-Edouard a trouvé les moyens et les ressources de continuer à se déployer selon ses voeux.

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