Dans mon tour de Suisse, j’ai fait une rencontre fascinante : un temple pour l’eau. Oui, il y a des églises pour les hommes et il existe une chapelle pour les sources, à Scuol-Tarasp, en Engadine. Dans un majestueux édifice aujourd’hui abandonné, construit par Bernhard Simon, un architecte du tsar de Russie en 1860, sont abritées trois sources oubliées, Bonifacius, Lucius et Emerite. Pendant 100 ans, elles étaient à la disposition d’élégants visiteurs qui venaient les déguster comme un millésime thérapeutique. Considérée comme les plus puissantes sources minérales d’Europe, ces trois fontaines font partie des 21 sources qui jaillissent de la roche de Scuol-Tarasp, déjà appréciées dès 1533 par le médecin et alchimiste suisse Paracelse. Toutes ces eaux ont des pouvoirs de guérison que la médecine allopathique et moderne a méprisée en faveur de l’industrie pharmaceutique. Mais un projet de réhabilitation de cette halle de dégustation de ces eaux prodigieuses est en cours, grâce à une fondation activement engagée à sauver ce patrimoine historique. Elle cherche un mécène ou un généreux investisseur qui, comme moi, aurait un coup de coeur pour ce lieu magique qui pourrait faire revenir des curistes, des scientifiques, des artistes ou des musiciens, comme autrefois, lorsqu’ils entraînaient les curistes dans une danse pétillante, comme ces eaux naturelles d’une pureté exceptionnelle.
Ces sources sacrées présentent une singularité qui les protègent de tout achat et monopole par des multinationales. Après quelques jours, leurs propriétés disparaissent. C’est de l’eau vivante qu’il faut boire sur le champ. Parce qu’on ne peut pas acheter la vie. Elle est le cadeau exclusif de notre planète. Venir boire aux sources de Scuol-Tarasp, c’est remonter à ses propres origines. C’est boire et se voir dans notre vérité la plus pure.
Un rendez-vous avec la vie
J’ai eu le temps de déguster six sources et d’en visiter huit en tout, puisqu’Emerita et Lucius ne sont pas accessibles au public, l’édifice menaçant de s’effondrer à tout moment. Toutes les sources portent un nom : Carola, Chalzina, Clozza, Fuschna, Lischana, Runa, etc. Chacune a une vertu thérapeutique, une identité, une saveur particulière. Au « Trinkhalle » de la Büvetta, jusqu’au début des années 2000, les curistes les buvaient même à des températures différentes pour renforcer leurs propriétés selon les degrés. Chacun avait un verre et un protocole de soin qui leur étaient réservés et rangé dans de petits casiers comme les clés d’une chambre d’hôtel. Entre les dégustations, on écoutait ou l’on dansait sur de la musique d’orchestre et l’on venait se servir directement à la roche, de la Terre-Mère. Sans encore passer par des multinationales et par l’industrie pharmaceutique qui depuis brevètent les ressources de la planète dans l’intérêt d’une poignée d’individus. Et c’est bien pour cette raison que le lieu a été abandonné. Le public s’est détourné de son lien directe avec la nature pour se laisser tenter par l’attrait, à grands renforts de marketing, des médicaments et de la médecine allopathique exclusivement. Il a préféré sous-traiter sa santé à d’autres et à la science plutôt qu’à lui-même et à la nature.
La petite Büvetta nous enseigne à vivre chacun sa vérité. Elle nous rappelle que nous sommes les créateurs de notre réalité et qu’il n’y a pas de meilleur remède que celui de travailler en concertation avec la nature pour la santé de tous. Heureusement, une fondation a été créée pour récolter 10 millions de francs pour sauver la Büvetta, l’édifice et les sources. Car il faut consolider la montagne d’une part, restaurer toute la bâtisse et réhabiliter l’eau précieuse pour que le grand public puisse à nouveau s’y abreuver et se soigner.
Je crois bien que le jour où les deux sources Lucius et Emerita (Bonifacius est accessible au public à l’extérieur) seront à nouveau à portée de lèvres des hommes, ce sera là le signe que les humains et la Terre auront fait la paix, par la liberté et la souveraineté de chacun de nous.
Le lien du site de la Fondation pour la restauration de la Büvetta
Regarder un bref reportage:
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