• Cet excellent titre est repris d’un article de Libération

Käthelin Palu organise des animations et des visites pour les touristes de passage sur l’île de Kihnu. Une femme à poigne comme toutes les autres ici!

Dans ma traversée des Pays Balte, j’ai fait un crochet par une île intéressante sur le plan historique. Situées en mer Baltique, au large des côtes de l’Estonie, la petite îles de Kihnu abrite, dit-on, l’une des dernières communautés matriarcales d’Europe. Pêcheurs ou navigateurs de pères en fils, les hommes s’exilent de longs mois en mer. Alors, les femmes ont appris à se débrouiller seules. Depuis le milieu du XIXe siècle, elles régissent ainsi les affaires de la communauté de cinq cents habitants et gardent l’île. Ce sont elles qui veillent sur les fermes, les champs, les récoltes, le bétail, les enfants, mais aussi et surtout, sur les traditions et l’artisanat. Un héritage culturel séculaire que l’isolement leur a permis de préserver malgré l’emballement du reste du monde.

J’ai loué une bicyclette pour faire le tour de l’ile, un circuit de 25 kilomètres essentiellement dans la forêt avec, en fin de compte, peu de haltes « joyeuses ». Hormis Diana et sa famille qui tiennent une adorable maison d’hôtes traditionnelle « Rooslaiu tau » et qui fument leurs poissons eux-mêmes, j’ai rencontré peu de résidents, probablement trop affairées à leurs occupations quotidiennes.

Käthelin Palu (en photo), qui roulait “à fond la caisse” sur son side-car quand je l’ai croisée (un mode de transport encore assez courant pratiqué par les femmes à Kihnu) est très attachée à cette île pour son calme, sa paix et sa grande valeur historique qui survit péniblement aux assauts de la modernité. L’emploi y devient de plus en plus rare et les jeunes préfèrent quitter l’île pour une vie plus attractive et active sur le continent.

Un confetti d’estonicité

“Kihnu est l’un des derniers endroits du pays incarnant ce que les nationalistes nomment communément «l’estonicité». Un concept ayant valeur d’identité nationale, avec pour vertu cardinale la défense de la langue estonienne. Les habitants de Kihnu, pratiquant un estonien ancien hérité du XVIIIe siècle, apparaissent aujourd’hui comme les hérauts d’un certain romantisme national.” écrit Libération. « Ici, il ne vient à l’idée de personne de contester l’autorité féminine. Lorsqu’ils rentrent de leurs campagnes de pêche, les hommes se rangent à l’avis de celles sans qui la vie est impossible. D’un pouvoir de circonstance, les femmes ont fait un pouvoir légitime» peut-on lire dans l’article.

J’y ai senti une joie discrète et mêlée d’inquiétude pour l’avenir de l’île. “Chaque jour, nous tentons de transmettre à nos jeunes nos coutumes. Mais ils sont perdus. Depuis l’adhésion à l’Union européenne, en 2004, les sentiments d’appartenance se superposent.” raconte Mare Mattas, une figure charismatique locale qui s’est exprimée dans l’article de Libération.

En m’arrêtant aux rares haltes sur le parcours, j’ai vu combien la communauté se donnait du mal pour pérenniser sa culture et sa survie économique à travers le tourisme, ce qui est à double tranchant. D’une part, le tourisme favorise la promotion de l’artisanat et du folklore local, génère des revenus, et d’autre part, il apporte son lot de désagrément. Ceux-ci viennent plus souvent pour s’enivrer sur cette île qui ne connaît aucune présence policière! L’une des guides locales que j’ai rencontrée s’est insurgée du passage le matin même de quelques jeunes étrangers qui avaient allumé un feu illégal au pied du phare. “Regardez, c’est du pur vandalisme!” s’est-elle insurgée. Les délits y sont si rares qu’un feu sauvage met toute la communauté en émoi!

Tous à la piscine!

Je ne peux pas m’empêcher de partager cette anecdote cocasse: je n’ai pas fermé l’oeil de la nuit dans ma jolie petite chambre (j’avais du laisser Begoodee sur le continent) car le cottage voisin avait été loué à une bande de fêtards qui ne cessaient de faire des aller-retour jusqu’à l’aube dans une petite piscine couverte où les hommes et une femme hurlaient en riant: “Plus de crème! Plus de vodka!” Je laisse libre cours à votre interprétation! 😉

Sur le bateau, pendant ma traversée de retour, j’ai rencontré un couple estonien très sympathique. KristelleRannamees m’a raconté qu’elle avait été émue de voir si peu de sourires sur les visages pris en photos sur les images d’archives du petit musée de l’île. Elle m’a expliqué que la joie en Estonie était encore un concept peu courant. “Vous savez, notre peuple a été asservi pendant plus de 700 ans par plusieurs nations et cette peur de nous exprimer est restée “engrammée” dans nos gênes. Nous sommes méfiants et nous préférons rester discrets et nous protéger. Notre joie est donc très peu démonstrative”, raconte cette psychothérapeute et formatrice en constellations familiales! Avec son compagnon, ils sont tout simplement le seul couple pratiquant des constellations familiales en Estonie! Un outil extraordinaire pour se libérer des fantômes du passé et s’ouvrir, peu à peu, à cette joie profonde. Quand je leur ai expliqué que j’ai été moi-même animatrice en constellations familiales pendant 5 ans, nous avons presque “explosé” de joie!

Après une visite à bord de Begoodee, j’ai repris la route et me voici en Lettonie où j’ai trouvé une buvette “connectée” pour publier un peu de contenu. Je me tiens juste à côté du Musée du baron de Münchhausen, le truculent officier allemand, mercenaire à la solde de l’armée russe. Mais ça, c’est une autre histoire….

Sources: Libération et Wikipédia

Il n’y a guère plus que les fêtes religieuses pour se ressouder. A Kihnu, les mariages donnent lieu à trois jours de banquets opulents, syncrétisme de plusieurs rites païens, orthodoxes et séculaires.

Les femmes ne se départissent jamais du jupon rayé et du chemisier blanc traditionnels qu’elles se doivent de confectionner de leurs mains.

Cette résidente de Kihnu est la gardienne du phare de l’île.

Guesthouse très charmante “Rooslaiu talu” avec un succulent porridge au petit-déjeuner. Dania et sa famille fument leurs poissons eux-mêmes que je vous recommande chaudement.

Ma petite chambre pour une nuit…

 

Kristel Rannamees et son âme soeur et compagnon, dont j’ai oublié le nom…

 

 

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