Ligne de cœur – 17 septembre
Je rappelle à mes lecteurs que ce texte est rédigé en langage parlé à l’attention des auditeurs de la radio suisse romande.
La boîte à ficelles
J’aimerais revenir à la rencontre que j’ai faite au col du Brünig et que je n’ai pas eu le temps d’élaborer mardi soir. Comme je vous le disais, je m’étais garée au bord du lac de Brientz lorsque j’ai reçu un message par facebook qui disait : « Bonjour, nous venons de vous croiser au col du Brunig, cela fait deux ans que mon fils Gabin et moi-même, nous suivons votre aventure en Europe et en Suisse et c’était inespéré de croiser Begoodee ! » J’ai été tellement touchée que je n’ai pas hésité à rebrousser chemin pour rejoindre cette famille sur le sentier des gnomes à Hasliberg, un joli parcours pour les enfants, à la rencontre des lutins de la forêt. Sur tout le parcours, il y a des petites énigmes à résoudre ou des épreuves sportives, il y a des micro chalets en rondins avec des micro-lit, mini tasses et assiettes et des mini bonnets de lutin. J’ai aussi appris que Valérie Fleury-Wüthrich, avant d’être maman, a été une grande voyageuse comme moi et qu’elle a rejoint le Cap Finisterre à pied depuis Moutier, soit 2’500 kilomètres et quatre mois de marche plus tard. Et surtout, elle a créé La boîte à ficelles, une plate-forme qui propose tous les lundis et pour les parents des activités à réaliser avec leurs enfants dans la nature sur les thèmes de plantes sauvages, les petites bêtes du jardin, des énigmes et des jeux. Sans rentrer ici dans les détails, j’ai trouvé son approche tellement originale que nous allons très probablement crée ensemble un Joy for the Planet spécialement pour les enfants l’année prochaine. Elle est également devenu notre 6ème Graine de Joie!
Le centre de l’Unité
Mardi soir, je n’ai pas eu le temps de développer ma rencontre avec deux auto-stoppeuses que j’ai embarqué à bord de Begoodee, une italienne et une lituanienne, sans me douter qu’elles allaient m’emmener très haut dans la montagne, Schweibenalp, dans un centre spirituel, de retraite et de mise à jour personnelle pour des personnes en transition existentielle. C’est un ancien ashram qui lie nourriture de l’esprit et du corps et qui s’appelle le Centre de l’Unité. Il semblerait que cela soit un lieu qui est un pionnier dans le domaine du travail interreligieux pour la paix. On y propose de nombreuses activités où cohabitent séminaires, méditation, yoga, retraites personnelles et, depuis 2011, des cours de permaculture. J’y a vu des jolies roulottes avec des drapeaux à prières bouddhistes, des dômes de méditation en forme de chapeau de lutin (décidément, je les vois partout !), une gigantesque yourte mongole, des tentes pour les bénévoles qui viennent y travailler 6 heures par jour en échange du gîte et du couvert, un gong géant pendu à un arbre et beaucoup de van, comme le mien. De nombreux visiteurs y viennent pour un jour et peuvent y rester parfois plusieurs mois ! J’ai assisté à une très belle cérémonie pour la paix sur la Terre, d’inspiration orientale, conduite par des femmes, aux sons de clochettes, de mantras, de chants sacrés et de prières adressées à tous les grands initiés de l’Histoire, de Babaji en passant par Amma, Jésus-Christ, Mohammed, Bouddha et compagnie…. En voyant ces femmes tellement habitées par leur dévotion, dans une grande douceur et simplicité, je me suis dit que nous n’avions aucun souci à nous faire pour notre avenir, car tant qu’il y aura des groupes d’hommes et de femmes qui se réunissent pour amener de la conscience et de la gratitude ici-bas, l’intelligence de vie se frayera un chemin jusqu’au cœur du cœur de l’humanité. J’ai pu échanger avec les membres et les invités de cette communauté pacifiste qui ne semblent absolument pas perturbé par ce qui se vit aujourd’hui dans le monde. Ils font le choix de se concentrer sur leur réalité présente, à faire grandir des plantons, des fleurs, des fruits, des légumes et des semences de vie, au propre comme au figuré, à détoxiquer leur corps comme leur esprit de toutes formes de parasites, comme la peur, la culpabilité ou les jugements.
Le peintre zen
Cela me rappelle cette anecdote incroyable que l’on m’avait racontée lorsque j’étais de passage à New York, peu après les attentats du 11 septembre 2001. Il y avait un artiste de rue très âgé et très pauvre, un vétéran japonais qui avait connu la prison et la torture après l’attaque de Pearl Harbor en 1941. Il peignait non loin des deux tours du World Trade Center. Une voisine venait tous les jours lui verser quelques pièces dans son chapeau. Le jour de l’attentat des deux tours, elle était là, devant lui, à l’observer, alors qu’au même moment, les tours s’effondraient dans son dos. Il ne s’est jamais retourné alors que c’était le chaos derrière lui, puis autour de lui. Plusieurs semaines plus tard, lorsqu’elle l’a revu, elle lui a demandé pourquoi il n’avait pas bougé, ni même sursauté. Il lui a alors répondu : « Grâce à sa maîtrise de lui-même, le sage crée une île qu’aucun raz-de-marée ne saurait submerger. Soyez à vous-mêmes votre propre refuge. Soyez à vous-mêmes votre propre lumière. » En restant centré sur sa créativité, il contribuait peut-être plus à stabiliser et à apaiser le monde qu’une foule paniquée, happée par les phénomènes extérieurs et à la merci de ses émotions.
Partout je discute avec les gens qui me disent que grâce au Coronavirus, ils se rapprochent de la nature, ils redécouvrent la beauté de la Suisse, des montagnes et des relations humaines authentiques, ils cherchent à être heureux dans ce qu’ils font, à trouver des activités qui font sens. On m’a parlé d’un patron d’entreprise qui a claqué la porte de son travail pour traverser la Suisse à pieds et voir où cela le mènerait. D’autres veulent apprendre à devenir autonomes, notamment par l’alimentation.
Un festin d’herbettes
Et justement, à propos d’alimentation, j’ai reçu la visite aujourd’hui d’une lectrice qui trouvait que je mangeais un peu trop de raclettes et de saucisson et qui s’inquiétait pour ma santé. J’ai donc reçu à bord Lykke Stjernswärd, une conseillère en alimentation vivante qui venait refaire le plein de pousses végétales à Thun et a décidé de faire un crochet par Brienz, ici où je suis garée au chutes d’eau de Giessbach, pour m’offrir un repas de micro-herbes et me retaper la santé. Elle a créé la plate-forme pour une alimentation saine Healthy Touch et donne régulièrement des ateliers.
Quand j’ai vu un tapis de gazon dans son coffre, je me suis fait du souci, mais quand elle a commencé à découper délicatement au ciseau plusieurs variétés de pousses et de micro-herbes de tournesol, pois, basilique au citron, shiso, cresson, radis, chou rouge et autres, je me suis dit que je devais rester ouverte et que je serais peut-être agréablement surprise. Et ce fut le cas ! Elle m’a préparée deux somptueuses assiettes de cette verdure pleine de minéraux et de protéines végétales et je me suis sentie très vite rassasiée et comblée par ce festival de généreuse verdure! C’était absolument délicieux.
Hommage à Franz Weber
Il faut que je vous parle aussi de ce Grand Hôtel de Giessbach, sauvé in extremis de la démolition en 1979 par l’écologiste Franz Weber, protecteur de l’environnement, des animaux et du patrimoine. Je m’incline devant ce combat exemplaire de plusieurs années, car il a a rendu au peuple suisse, ce fleuron du patrimoine national, construit en 1874 au pied des célèbres chutes de Giessbach qui dominent le lac de Brienz, dans l’Oberland bernois.
Jusqu’à 1914 et la Première Guerre mondiale, les têtes couronnées et leurs suites, les hommes d’État, les diplomates et les artistes les plus fêtés défilent sans discontinuer au Giessbach, où ils reprennent des forces, forgent des plans et échangent les derniers potins.
Deux guerres mondiales, leurs conséquences pour l’hôtellerie suisse et une nouvelle vision du tourisme font pâlir l’étoile du Giessbach. Après plusieurs années de déclin, l’établissement ferme ses portes en 1979. Une construction moderne en béton dans le style d’un chalet « jumbo » est alors prévue à sa place. Le salut arrive à la dernière minute, en 1983. Franz Weber, déjà très connu dans le monde entier, réussit l’impossible. Grâce à sa campagne de levée de fonds et à la création de la fondation « Giessbach au peuple suisse », il parvient à acquérir le domaine du Giessbach et ses 22 hectares de terrains pour les faire classer monument historique. On y découvre aussi un funiculaire âgé de 139 ans et qui est le plus vieux d’Europe ! L’hôtel sera entièrement rénové au cours de plusieurs étapes et compte de nouveau aujourd’hui parmi les plus beaux et les plus renommés de l’industrie hôtelière suisse.
La visite de ce site incroyable est un must, avec son sentier qui serpente entre les chutes d’eau et son pittoresque funiculaire rouge au départ du débarcadère au bord du lac de Brienz, jusqu’à l’esplanade devant l’hôtel. Prendre son café ou un chocolat viennois sous les hauts plafonds et leurs somptueux lustres de cristal, nous replongent avec émerveillement au début du 20ème siècle dans ce qu’il nous offrait de plus grandiose.
Maintenant, je vais reprendre la route pour le Valais où j’ai rendez-vous avec un retraité valaisan qui a reçu de nombreuses célébrités qui venaient visiter la vigne à Farinet. Puis je vais rencontrer deux jeunes réalisateurs qui, eux aussi, tournent figurez-vous un film sur des joyeux qu’ils rencontrent à vélo ! Bref, la joie est à la mode et c’est tant mieux car on en a bien besoin, non ?!