Ma chronique du jour pour l’émission La ligne de coeur sur la RTS La Première
Depuis ma halte dans un camping à Zernez, je me suis rendue à Scuol, en basse-Engadine où j’ai fait une découverte aussi fascinante que touchante: un temple pour l’eau ! Oui, il y a des églises pour les hommes et il existe une chapelle pour les sources d’eau minérales, à Scuol-Tarasp, en Engadine. Dans un majestueux édifice aujourd’hui abandonné, un peu fantomatique, construit par un architecte du tsar de Russie en 1860, sont abritées trois sources oubliées, Bonifacius, Lucius et Emerite. Alors qu’il est interdit au public, on m’a permis exceptionnellement de visiter ce lieu pendant une dizaine de minutes, pour les auditeurs de la Ligne de Cœur. En effet, l’édifice menace de s’effondrer à tout moment, car il est au-dessous d’une falaise qui se disloque peu à peu.
Alors imaginez-vous que pendant 100 ans, ces sources étaient à la disposition d’élégants visiteurs qui venaient du monde entier les déguster comme un millésime thérapeutique. Tout est encore sur place, la caisse enregistreuse, des feuilles de papier éparses avec les protocoles de santé pour chaque patient et rangé dans de petits casiers comme les clés d’une chambre d’hôtel. Il y a un immense vestibule avec des boiseries éclatées mais qui devaient être magnifiques autrefois. Cela fait 20 ans que l’établissement est fermé et livré à lui-même, déserté des curistes qui se sont tournés vers de nouvelles thérapies, plus scientifiques. Ce qui est fou, c’est que ces trois sources sont cachées sous un globe de verre et on peut voir qu’à l’intérieur, l’eau libère encore plein de bulles. Mais on ne peut pas la boire car le verre est hermétique. C’est émouvant…C’est un peu comme des déesses d’une grande beauté qu’on ne regarde plus parce qu’on leur a préféré le vin et la boîte à pharmacie. On oublie que sans eau, il n’y aurait ni vin, ni médicaments ! L’eau est à la base de toute vie et je trouve fabuleux qu’un architecte a voulu un jour leur rendre hommage en les traitant comme des dieux en leur construisant un autel.
Considérée comme les plus puissantes sources minérales d’Europe, ces trois fontaines font partie des 21 sources qui jaillissent de la roche de Scuol-Tarasp, déjà appréciées dès 1533 par le médecin et alchimiste suisse Paracelse. Vous savez que toutes les sources portent un nom : Carola, Chalzina, Clozza, Fuschna, Lischana, Runa, etc et on peut les goûter à des petits points d’eau ou à des fontaines, éparpillés dans la nature. Chacune a une vertu thérapeutique, une identité, une saveur particulière. Au « Trinkhalle » de la Büvetta, jusqu’au début des années 2000, les curistes les buvaient même à des températures différentes pour renforcer leurs propriétés selon les degrés. Toutes ces eaux ont des pouvoirs de guérison que la médecine allopathique et moderne a délaissée en faveur de l’industrie pharmaceutique.
Mais un projet de réhabilitation de cette halle de dégustation des eaux prodigieuses est en cours grâce à une fondation activement engagée à sauver ce patrimoine historique. Elle cherche un mécène ou un généreux investisseur qui, comme moi, aurait un coup de cœur pour ce lieu magique qui pourrait faire revenir des curistes, des scientifiques, des artistes ou des musiciens, comme autrefois, lorsqu’ils entraînaient les visiteurs dans une danse pétillante, comme ces eaux naturelles d’une pureté exceptionnelle. Il faut juste trouver 10 millions !
Il faut savoir que ces sources sacrées présentent une singularité qui les protègent de tout achat et monopole par des multinationales. Après quelques jours, leurs propriétés disparaissent. C’est de l’eau vivante qu’il faut boire sur le champ. Parce qu’on ne peut pas acheter la vie Jean-Marc ! Ca, c’est le cadeau exclusif de notre planète. Venir boire aux sources de Scuol-Tarasp, c’est remonter à ses propres origines. J’en ai goûté six et elles ont toute une saveur très différentes. J’ai fait une petite vidéo à découvrir sur le mur FB de la Ligne de Cœur.
Puis j’ai pris la route pour le Tessin en passant d’abord par Silvaplana, où j’ai été émerveillée par une farandole de centaines de voiles de kite-surf sur le lac, agité par un fort vent. Je me suis dit qu’il y avait plusieurs mondes parallèles qui ne manifestaient en même temps. Pendant que certaines régions du monde se déchirent autour du Coronavirus, que certains individus sont persécutés pour port ou non port du masque, d’autres s’évadent et vivent leur liberté à leur manière. “Les vents de la Grâce soufflent en permanence, mais pour les attraper, il faut hisser sa voile”. Ici, à Silvaplana, tout le monde hisse sa voile…
Après, je me suis rendue dans le Val Fex où j’ai rencontré l’épouse d’un célèbre forgeron, Roger Rominger qui réalise des couteaux uniques au monde parce que leur lame est damassée. C’est une technique secrète qui donne un aspect damassé à la lame, ce qui nécessite des centaines d’heures de travail, semble-t-il. Il a même reçu la visite de la famille des couteaux Victorinox et ils sont repartis avec un couteau. Ils sont recherchés par des collectionneurs du monde entier.
J’ai ensuite traversé le col sauvage de l’Abulapass, sous la pluie, le brouillard et le vent pour arriver à Hinterrhein, dans un tout petit village où je suis tombée par hasard sur les chèvres vedettes du film « Heidi » qui est sorti en 2015. Ce sont les 30 chèvres d’un fromager bio du village, Georges Trepp qui ont passé six semaines sur le lieu de tournage! Comme toujours, c’est en sortant des autoroutes que l’on augmente largement ses chances de vivre de belles histoires. Un peu comme dans la vie vous savez. En prenant le chemins des écoliers, en quittant les sentiers battus, on a plus de chance de se rencontrer soi-même, de se renouveler, de trouver et d’exprimer sa vérité.
Enfin, j’aimerais conclure cette chronique par un message que j’ai reçu d’un lecteur : « Je vois que ton voyage de la joie se déroule bien, de beaux paysages en belles rencontres ! Aujourd’hui ma fille de 8 ans, Mila, nous a dit que son souhait était que la joie soit la seule émotion sur la terre et qu’elle ne meure pas avant de voir cela. Je me dis qu’il faut que nous nous rencontrions tous à ton retour. Bonne route »