Dans un monde où, du point de vue de ma perception (qui peut être aussi fausse qu’une autre), la contrefaçon règne en maître, des mensonges d’États aux fausses informations, en passant par la vie artificielle exponentielle sous toutes ses formes, j’ai décidé de ne plus dépenser mon énergie à tenter d’éteindre les foyers qui m’apparaissent absurdes, où oeuvrent les forgerons de l’anti-vie, mais plutôt à dénicher, comme un chasseur de papillon, ce qu’il reste encore de profondément vivant dans la réalité qui nous entoure. C’est en tout cas mon occupation préférée en attendant de rentrer à la Maison. Parce que je ne perds jamais de vue qu’en faisant un “rewind” de toute l’Histoire du monde, nous revenons tous au même point de départ, dans le berceau de l’Unité parfaite. Il suffit juste de savoir que derrière tous les rôles, il y a le même Chef d’Orchestre…
Mais en attendant, je me crois importante à m’énerver contre des imbéciles qui se croient tout aussi importants à s’énerver contre moi! (Rire)
Fort de ce constat, au lieu de m’inquiéter de la vie et du bon-sens qui foutent le camp, je m’amuse à pister la vie et le bon-sens qui s’accrochent comme des naufragés à un radeau. Je guette à la loupe cette vie qui résiste, s’éveille ou se déploient à l’infini. Et je prends modèle sur elle pour la semer à mon tour en écho à ce qu’elle me donne en abondance.
Je vis cette période comme une fabuleuse chasse au “trésor vivant” qui nourrit mon âme et ma joie. Et quand je parle de “trésor vivant”, je pense à tout ce que je peux capter au quotidien qui soit de l’ordre de l’élégance, de la beauté, de la générosité et de la sagesse dans les interactions humaines autour de moi ou dans mes interactions avec la nature. Je résumerai ces petits indices de bonheur en un seul mot: l’ATTENTION. L’attention à soi, aux autres, à la vie autour de soi et au monde, avec l’acuité d’un compositeur classique qui pointe son attention sur chaque note distincte en même temps que se déroule dans sa tête l’ensemble de sa partition.
Je prends en exemple les petits instants rapicolants qui épicent mon existence: le tintement des cloches des vaches d’Hérens qui pâturent paisiblement sous ma fenêtre à Pinsec, un voisin qui s’émerveille du vol d’une hirondelle de fenêtre devant mon balcon, des amis qui m’aident à faire la vaisselle après le bon repas que je leur ai préparé, une amie retraitée qui m’offre le dessin d’un arbre sur lequel elle a collé des pièces de 5 CHF au bout de chaque branche pour me remercier de l’inviter au restaurant, un copain de toujours qui fait 6 heures de voiture pour me sauver d’une panne, la fille de ma voisine qui dépose une tranche de gâteau à la noix de coco devant ma porte, un petite carte postale dans ma boîte aux lettres, le cadeau d’un coussin brodé aux points de croix pendant plusieurs semaines par ma mère, quelqu’un qui m’aide à monter une armoire carrée dans mon escalier rond, ou à animer bénévolement les événements de Planetpositive, une femme de ménage qui confectionne une fragile fleur en papier de toilette sur mon rouleau, la truffe de mon chien Lovski contre mon ventre, un cœur dessiné sur la vitre sale de ma voiture, le temps précieux qu’un ami prend à m’écouter sur le bord de la route, la douceur d’une illustration envoyée par une amie artiste (dessin ci-dessus de Dominique Casaux) et mille autres petites attentions qui font que je me sens exister et aimée.
Alors je n’ai qu’une hâte, faire circuler à mon tour tout ce qui m’est donné à vivre de bon…
L’immense dans le tout petit
Je crois que l’un des meilleurs indicateurs de ce qu’il reste de vivant est dans le coup de pouce et le petit geste d’amour, dans le périmètre local de notre cercle d’amis et de connaissances. Je ne parle pas des actions humanitaires au sein de grandes organisations internationales. J’ai trop baigné dans ce monde pour savoir combien il est instrumentalisé aujourd’hui et combien notre naïveté et notre grande empathie sont souvent récupérées, à notre insu, à des fins criminelles. Non, je parle de ces petits gestes de générosité qui, l’air de rien, embaument pour toujours notre âme et notre coeur.
Pour survivre aux temps de l’effondrement de notre civilisation actuelle, il faut déjà détourner les yeux des écrans qui génèrent de l’illusion en boucle. C’est déjà ça. Mais si nous voulons vivre malgré la laideur et la folie qui tombent sur la Terre comme un rideau d’ombre, je propose de cultiver le partage de ces petites gestes qui tombent du ciel.
Enfin, dans la délicatesse des petites attentions, j’y mets aussi l’humour et l’auto-dérision. Rire et faire rire occupe une large portion de mon emploi du temps. Chaque fois que je parviens à faire rire quelqu’un, je me dis que je ne suis pas tout à fait née pour rien. Je crois que le dernier bastion où l’homme restera supérieur à la machine sera son rire. Pas un rire métallique, mécanique ou hystérique, comme chez les poupées ou les robots électroniques. Mais un rire qui vient du fond de l’univers, qui a remonté le temps et les cycles de l’incarnation, qui a surmonté avec panache des millions d’écueils et absorbé mille histoires d’amour. Pour reproduire ces rires en version digital, même les plus grandes intelligences humaines n’y pourront rien.
Cela me rappelle ce Nominé de la Joie que j’avais rencontré en 2018, lors de ma traversée européenne en camping-car. Il s’appelait Charles-Edouard Oksenhendler. Après plusieurs tentatives de suicide, il avait séjourné dans un asile psychiatrique. Un jour, derrière les volets de sa chambre, il avait entendu des rires d’enfants. « C’était une minute prodigieuse, m’a-t-il raconté. Cette joie que j’ai perçue a été comme un révélateur. En quelques minutes, tout s’était éclairci en moi et je me suis senti libéré et guéri. Tous mes projets de vie me sont apparus d’un coup. Je m’étais enfin trouvé. »
Avec toute mon affection,
Isabelle Alexandrine
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