Cette période de confinement m’inspire une série de dessins intitulée “Les petits miracles du Coronavirus” dont voici le premier croquis.

Et si dans le confinement par lequel je passe, je m’aimais pour la première fois? Et si j’étais ma meilleure compagnie? Car me regarder avec les yeux de ce qu’il y a de plus grand en moi, n’est-ce pas embrasser tous mes frères et soeurs?

Je ne parle pas de s’aimer à l’étage de la personnalité, du narcissisme et de l’égocentrisme. Il ne s’agit pas de se regarder comme séparé de l’ensemble! Je parle de monter d’un palier, voire de grimper jusqu’au toit. Je parle de reconnaître en moi le dépôt universel spirituel commun à tous les humains. Regarder au fond de cette coupe, c’est me voir à la fois unique dans l’univers et comme faisant partie de lui. Moi, c’est toi, et toi, c’est moi, c’est nous. Prendre soin de soi et des autres, c’est du pareil au même, il me semble. Nous ne sommes que les éclats du même miroir. Chacun a le devoir de chérir ce trésor en lui pour le déployer à l’infini et se rencontrer dans cet amour morcelé, comme la nuit laisse apparaître les étoiles. Le cosmos se fait et se défait de ces rencontre amoureuses par contrastes.

Me regarder depuis cet étage, c’est me plonger dans l’âme du monde et l’aimer à travers elle. Quand je te vois, je me vois aussi, car ensemble, nous réfléchissons le Mystère. Que je me contemple dans cet Amour, seul(e) à la maison, en prière, dans une posture de yoga, en cuisinant un gâteau pour les enfants, en bêchant dans mon potager, en passant l’aspirateur…, ou que je sois sur le terrain au chevet des malades et des souffrants, je pense que je ne suis qu’UN. Je pense que chacun fait ce qu’il a à faire.

À l’image de la déesse Kali dont les mille bras sont affairés à une tâche spécifique tout en étant reliés à un seul coeur, je crois que chaque être humain joue sa note de musique, harmonieuse ou dissonante. C’est dans ce coeur universel que je puise ma joie infaillible. Aimer chez soi, en silence, est peut-être moins gratifiant, car personne n’est là pour nous féliciter, nous approuver. Être sur le terrain des opérations, comme je l’ai été toute ma vie dans l’humanitaire ou à travers mon épopée journalistique européenne est nettement plus glorieux pour la personnalité. Le petit “moi” peut apprécier de manière plus visible et concrète le fruit de sa bonté. Aussi se répare-t-il peut-être ainsi de ses carences en amour. Donner aux autres, c’est se donner à soi-même. C’est un retour sur investissement immédiat. Les applaudissements fusent et nous devenons des champions de la bienveillance. Mais cela ne veut pas dire que nous sommes meilleures que d’autres, plus humain, plus efficace, plus aimant, car toutes les mains s’activent à partir du même point d’origine, dans l’ombre comme dans la lumière, dans un but qui m’échappe totalement.

Le philosophe zen Alan Watts disait: “Vous êtes le big bang, la force originelle de l’univers, en venant comme vous êtes...”. Dans le recueillement et la non-action à l’intérieur de soi, dans l’esprit des ermites, ou en pleine action solidaire dans le monde extérieur, c’est le même bassin que nous brassons, c’est le même fleuve amoureux qui coule dans nos veines. Une main donne la vie, une autre la prend. N’est-ce pas le grand ballet de l’existence?

Pourquoi? C’est la question ultime qui reste sans réponse. Alan Watts a dit aussi: « S’éveiller à qui vous êtes vraiment nécessite d’abandonner l’idée de qui vous croyez être. » Celui qui a compris cela est libre, il me semble. Cette femme qui se regarde dans ce miroir ne se voit pas avec les yeux physique. Elle salue simplement l’énergie souveraine qui vibre dans le coeur de chacun. Parfois, je dois ralentir ou m’arrêter pour la rencontrer. C’est ce que m’offre le confinement et le petit virus Covid-19: une rencontre extraordinaire. La mienne.

Isabelle Alexandrine Bourgeois

PS: Et pour le petit clin d’oeil humoristique…

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