Le 7 mars dernier, nous avons eu la joie d’accueillir l’ancien membre du renseignement suisse suisse, le colonel Jacques Baud, venu donner une conférence sur “Le droit des peuples en questions”. Une vidéo de cette soirée est en cours de montage.
En attendant, à la demande du plusieurs participants dans le public venu nombreux, je partage avec mes lecteurs mon texte d’introduction de ce grand monsieur…

Mon cher Jacques,

C’est la 3ème fois que tu nous fais le cadeau de venir t’exprimer devant le public de Planetpositive. Pour moi, il n’y a plus à te présenter, car je suis sûre que tout le monde te connais ici. J’aimerais cependant partager ce j’apprécie chez toi et c’est assez rare pour le souligner : ce qui me touche, c’est que tu ne charges jamais tes paroles, comme un bataillon d’infanterie, d’une énergie de colère ou de culpabilisation qui impacterait forcément tes auditeurs, et renforcerait la division.

Tu t’exprimes à partir d’un niveau de grande neutralité en te tenant strictement aux faits. C’est propre, et nous ne nous sentons pas pris dans la nasse de ton histoire personnelle, comme le pratiquent malheureusement beaucoup de personnalités publiques. Au fond, tu me fais penser à un samouraï qui croit en la nature et en ses forces créatrices. Il se place dans l’ acceptation de la vie, bonne ou mauvaise, et de la mort. L’adage des grands Samouraïs était d’ailleurs« Vivre quand il faut vivre et mourir quand il faut mourir ».

Et derrière tes nombreuses interventions publiques, au-delà de ton immense expérience et de tes connaissances, cette sagesse-là émane de toi. Dans l’esprit du Tao-Te-King, tu nous transmets l’art de la guerre pour construire la paix. Dans tes analyses, on sent que tu nous invites au respect de l’adversaire, que l’on doit considérer avec bienveillance, comme son égal, malgré sa cruauté et son arrogance. Le combat ne doit jamais engendrer de haine. Derrière cette idée, il y a la conviction que l’adversaire a ses raisons, qu’il faut tenter de comprendre et de désamorcer. Dans l’un des versets du Tao-Te-King sur la guerre et les armes, c’est bien l’Amour vers quoi il faut pointer, dans une perspective qui rappelle beaucoup le discours de Jésus : « Qui vaincra par le glaive périra par le glaive. »

Pour le fondateur du taoïsme, la guerre ne mène jamais à la victoire, même si elle est parfois inévitable. On ne peut jamais se satisfaire d’une bataille gagnée. C’est la raison pour laquelle les empereurs de l’Antiquité abordaient toujours la victoire avec tristesse, pleurant comme à des funérailles.

Pourquoi la guerre est-elle à éviter ? Parce que faire la guerre, dit le Tao, c’est tenter de forcer le cours des choses, c’est tenter de s’imposer, c’est tenter d’influencer l’ordre de la nature. C’est la raison pour laquelle une victoire apparente peut annoncer des lendemains douloureux, comme un retour de balancier.

Toutes les guerres sont le résultat de perceptions collectives et de points de vue qui s’opposent. Elles ne sont engendrées que par des créations de l’esprit qui n’a pas assez décapé les blessures en lui. Cette jungle intérieure fait que chaque camp a une définition subjective du Bien et du Mal. Chacun a raison et les guerres se perpétuent comme des cycles sans fin, au dépens des peuples, pris en otages de leur illusions et croyances destructrices.

J’ai été à Gaza et dans les Territoires occupés quand j’étais jeune journaliste. J’ai été témoin de l’humiliation et de l’injustice quotidienne que subissaient le peuple palestinien et j’en suis revenue bouleversée. À tort ou à raison, mon cœur avait choisi son camp. Mon témoignage n’a évidemment rien changé au non-sens de cette guerre au Proche-Orient.

Alors, que nous soyons impliqués dans les guerre, simplement spectateurs sur le terrain ou à distance, comment agir ? Pour y répondre, je m’appuierai sur une métaphore que je n’ai pas inventée.

Imaginons une bougie posée au milieu d’une pièce sans éclairage. La bougie n’éclaire qu’un périmètre restreint. Admettons que la bougie représente le bien véritable, et les ténèbres, le mal. Comment chasser les ténèbres ? Certainement pas en pointant les ténèbres du doigt, en les insultant ou en leur tirant dessus. Non, la seule manière de chasser les ténèbres sera d’augmenter la puissance de la source de lumière. Ainsi on comprend qu’il faut s’améliorer soi-même (faire grandir sa lumière) pour voir les ténèbres s’évanouir. Il faut montrer l’exemple par la paix, la puissance intérieure et l’humilité. Au final, on comprend que seul l’amour en soi peut dissoudre le mal dans le monde et en nous. En attendant, nous avons des êtres inspirants, comme toi Jacques, pour se ranger du côté des peuples et nous rappeler que c’est en nous instruisant rigoureusement sur la trame des événements géopolitiques du monde et en cultivant la lumière en soi, que nous pouvons peu à peu retirer le pouvoir aux décideurs prédateurs et fous. Et même si cela me fait un peu mal, je je me demande souvent si les brutes n’ont pas un rôle capital à jouer dans le perfectionnement de nos âmes divines.  Je me demande si, dans les coulisses de la vie qui se déploie à l’infini, les ordures et les bons ne servent pas le même diamant : Dieu en l’Homme.

Isabelle Alexandrine Bourgeois

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