Les enchaînements heureux se poursuivent avec Joy for the Planet.
Voilà des mois que j’avais pris rendez-vous au Portugal, à Obidos, avec la belle-mère de Paulo Soares, Leonor Rodrigues, pour m’amener chez un spécialiste du camping-car et faire réparer mon frigo, mon chauffe-eau et autres petites ajustements à bord. Leonor m’a aussi très gentiment gardé Lovski deux jours, le temps de faire un aller-retour en Suisse pour honorer un mandat avec le DFAE, ce qui m’aide à financer mon aventure.
Dans sa cuisine, Leonor me parle d’un résident de Caldas da Raignas, Joaquim Sa Sa, qui depuis 30 ans, tous les jours sans exception, sans week-end ni vacances, organise et prépare deux repas par jour pour des personnes vulnérables de sa ville. Tout a commencé avec un groupe de jeunes désoeuvrés que Joaquim avait remarqué sur la place du marché de sa ville lorsqu’il était encore lui-même un adolescent. Devant leur détresse, il s’est dit qu’il ne pourrait plus jamais vivre en paix sans faire quelque chose pour eux. D’abord, sous la flamme vacillante de sa lampe à huile, il leur écrit des lettres. Des mots d’encouragement, de soutien et d’espoir. Tous les jours, sans vraiment leur adresser la parole, car habité d’une grande pudeur, il leur offre ses lettres adressées à chacun d’entre eux. Il leur offre une nourriture pour l’âme avant de régaler leur estomac.
“J’ai voulu passer de la parole aux actes. C’est en cela que j’ai trouvé ma joie et ma paix. En donnant corps à mes pensées et à mes intentions.” Ainsi, avec une amie cuisinière, il vont mettre en place une structure d’accueil pour recevoir deux fois par jour tous les êtres en rupture avec la société. Ensemble, ils leurs cuisinent quotidiennement une soupe avec une viande ou un poisson.
Le coup de main de Sophie
Pour quelques jours, Sophie Zeeny est venue me rejoindre. Elle souhaitait contribuer au projet et offrir son immense joie de vivre et sa grande empathie, si nécessaire! Cela ne pouvait pas mieux tomber. Nous avons aidé Joaquim a préparer le repas du soir, nous l’avons accompagné dans sa tournée des maraîchers locaux pour récolter les légumes et la nourriture du jour. Quand il est à court de dons privés, il achète la viande avec l’argent de son salaire. La journée, entre ses soupes et sa collecte d’aliments, Joaquim travaille comme administrateur dans une école. Il prend à peine 10 minutes pour se nourrir lui-même. Car ceux qui ont faim ne doivent pas attendre…
Dans sa récolte de nourriture, tout le monde lui tape sur l’épaule. Ici, à Caldas da Rainhas, il est un héros. Il est un peu l’Abbé Pierre de la région. “Mais moi, je ne suis pas religieux. Je pratique simplement ma propre spiritualité”, explique-t-il humblement. Pour Joaquim, sa joie, c’est d’aider les autres. Il est devenu notre 48ème Nominé. Joy for the Planet a souhaité faire un geste en piochant dans la “cagnotte de la joie” de quoi lui offrir un mois de loyer pour son local.
Le soir de notre visite, une vingtaine de personnes sont arrivées avec chacun son histoire et pour certain, le besoin de se couper des autres. Joaquim accueille chacun avec la même et imperturbable bienveillance quelque soit son humeur ou ses comportements.
“On a raconté que je m’étais fait tabasser par les gens que j’aide. Ce n’est absolument pas vrai! De temps en temps, il y a des tensions entre ceux qui fréquentent mon local, c’est normal, beaucoup souffrent de troubles du comportement. Mais jamais ils ne m’ont fait de mal. C’est incroyable comme les fausses nouvelles circulent et comme les gens s’en délectent” regrette Joaquim.
“Cet homme, il est un peu mon père, mon frère et mon ange gardien. Cela fait 30 ans qui me suit et me soutient. Il nous donne tout de lui, son temps, son argent et son amour. C’est un modèle extraordinaire pour beaucoup d’entre nous” confie Pedro, un habitué du local de Joachim.
Et la musique a réanimé quelques coeurs engourdis
Ce soir-là, tout le monde était un peu replié sur soi. J’ai vu un jeune homme quitter la salle avec sa guitare sur le dos. Je me suis dit: J’aimerais tant que cette personnes, un peu triste et silencieuse, puisse se reconnecter un instant à de la douceur. Alors je lui ai couru après. Je lui ai demandé s’il était d’accord de revenir et de jouer pour tous. Interpellé, il a accepté. Et il a joué. Et l’émotion s’est propagée autour de la table. Joaquim, qui le connaît depuis plus de 20 ans, nous a dit que c’est la première fois qu’il jouait pour eux. Pour moi, c’était gagné!
C’est tout le sens de Joy for the Planet. Réanimer des coeurs tombés dans le coma du désamour et les faire regoûter à un instant accessible de pétillance.